Paysages-monde
biographie de l'auteur.e
Artiste-commissaire d’exposition
Face à l’oeuvre de Frédéric Khodja, à première vue on pourrait penser qu’il s’agit d’une
oeuvre abstraite, composée de couleurs diluées et dont les effets du hasard structurent
l’image qui en émerge. Il n’est rien de tout cela. Les paysages périphériques comme Les
paysages aveuglés sont élaborés selon les codes et les préoccupations de la peinture de
paysage de la seconde renaissance. Ils renvoient, par conséquent, aux grands maîtres de
la peinture du 16e siècle qui inspirent l’artiste.
La maîtrise de la perspective et de la matière, l’emploi d’une gamme chromatique
restreinte laissent poindre une image extrêmement organisée. La composition s’ordonne
en plans horizontaux séparés par une ligne d’horizon créant ainsi deux espaces : l'espace
du haut et l’espace du bas ! Celui de la présence forte du ciel couvrant une proportion
importante du tableau, et celui du végétal investi par des couleurs opposées et
mouvementées. F. Khodja s’accorde toute liberté pour magnifier la composition
d’ensemble. Celle-ci est complétée par des choix esthétiques, anecdotiques qui
alimentent l’oeuvre. Les images paysagères sont exhaustives et pérennes. Ainsi
apparaissent des étendues de nature, des ciels tumultueux, des montages géométriques
imposantes, des effets de profondeur de champ et atmosphériques, des conflits et des
explosions de nuances colorées, des reflets de lumières et des motifs qui nous ramènent à
la figuration et à notre rapport à la nature.
Titrées Paysages aveuglés, Paysages périphériques, Gisements, Paysages aux écrans,
Paysages collectés, Panorama, Paysages mentaux ainsi déclinées en multiples séries, le
paysage est un vaste sujet de réflexion chez Frédéric Khodja. Le regard qu’il porte à cette
notion est spécifiquement orienté vers ce qui lui permet d’élaborer et de sublimer des
images de fiction. Les éléments picturaux imaginaires ou puisés dans la réalité, historiques
et bien-sûr subjectifs imposent une vision particulière du paysage. Frédéric Khodja
compose des paysages panoramiques qui n’existent nulle part, ce sont des paysages-
monde qui apparaissent comme des tempêtes chromatologiques et d’exceptionnelles
représentations d’une réalité fictionnelle.
L’objectif du peintre est quelque peu cosmogonique. Il sollicite notre libre imagination en
évoquant une géographie d’un pays sinon d’une région personnelle sans aucun souci de
réalisme topographique. Il produit des images qui questionnent, déroutent, déstabilisent l’
observateur. Ce sont des paysages-monde f(r)ictionnels qui illustrent et partagent des
temps de crise. Le concept du paysage est bien entendu au coeur de la démarche de
l’artiste mais il est aussi le prétexte pour explorer les liens entre l’état de nature, la
géopolitique et l’histoire de l’art. Il s’agit de mettre en exergue le «paysage » comme
témoin des dérèglements, des luttes et des mutations contemporaines. Par cette
intention, par la pratique de la peinture et de ses affinités intellectuelles, Frédéric Khodja
énonce des confrontations critiques entre deux mondes : le monde réel et le monde
fictionnel.