Exposition collective
Terrains de jeux
Terrains de jeux
Gaëlle Foray / Frédéric Khodja / Sylvie Sauvageon
La Maison du Terroir / Musée Marius Audin hors les murs / Beaujeu
Responsable scientifique des collections, Marie Haquet
Scénogaphie, Nicoles Franchot

Mettre en résonance les collections avec la création contemporaine, favoriser l’émergence d’un nouveau regard...
Autant de raisons pour lesquelles Gaëlle Foray, Frédéric Khodja et Sylvie Sauvageon ont été invités à dialoguer
avec les œuvres du Musée Marius Audin.
Trois artistes, trois regards, trois démarches artistiques pour une collection qui s’attache
à raconter une mémoire collective, liée à un territoire, à des objets, à des espaces vécus.

Les assemblages de Gaëlle Foray sont des récits qui explorent et interrogent nos pratiques culturelles, nos normes sociales, nos débats politiques.

Frédéric Khodja joue avec les images. Il souligne l’existence de nos représentations mentales individuelles, issues de souvenirs et d’impressions.

Sylvie Sauvageon collecte l’image du souvenir d’un instant vécu, d’une découverte, d’une rencontre, d’un objet, d’un paysage...
et en réalise une copie dans de minutieux dessins.

Éditions
Diaphanes édition
Galerie Rue Antoine
10 rue André Antoine, Paris, France
Contact / Sophie Renaut / sophierenaut75@gmail.com

Coffret de 12 photographies en format 13x18 cm, éditées en 11 exemplaires + 2 EA + 2 HC sur papier Fujifilm Crystal Archive DPII.
Chaque photographie est signée au dos par l’artiste, numérotée et porte le tampon des éditions Original 33.

Tout est parti d’une archive de 1967 : un ensemble de diapositives sur la construction du périphérique parisien qui est aussi bien celui d’une destruction : celle de la Zone, bande de terre a priori inconstructible située en avant de l’enceinte de Thiers qui deviendra au XXe siècle un bidonville à ciel ouvert. À cette archive, s’en sont ajoutées d’autres : sites antiques d’Irak aujourd’hui pour la plupart détruits, photos de vacances d’une famille française dans les années 1970.
te.

Prix sur demande
Exposition personnelle
Temps de collectes
Musée d'art moderne
Villa Pams, route de Port-Vendres 66 190 Collioure
Temps de collectes
Exposition personnelle
Musée d'art moderne, Collioure
26 octobre / 31 décembre 2024

Que d'occupations dans une île déserte !

Par Gwilherm Perthuis, 2010
Texte paru dans Les cahiers de Crimée n°1, Edition Galerie Françoise Besson, Lyon

biographie de l'auteur.e

Gwilherm Perthuis est éditeur, rédacteur en chef de la revue et et du journal critique Hippocampe, commissaire d'exposition, critique d'art, historien de l'art.
Que d'occupations dans une île déserte !

Sur l'île étrange et déserte d'Adolfo Bioy Casares les fantômes des anciens habitants reprennent vie, démultipliés au sein d'un paysage illimité aux propriétés fantastiques. Dans L'invention de Morel l'auteur argentin invente un univers très particulier où les jeux de dédoublements et de miroirs définissent un espace sans fin bien qu'insulaire, imprégné de l'esprit d'un Jorge Luis Borgès présent dans l'édition française par sa préface.

L'oeuvre graphique de Frédéric Khodja est constitué d'images travaillées aux crayons par strates, superposant sur le papier comme des calques littéraires ou iconographiques constitués de formes, d'idées, de fragments, de dérivations qui proviennent de dessins antérieurs, d'un répertoire d'images, ou de références littéraires dont il saisit une dimension iconique. Comme chez Casares le corpus est ainsi sans cesse déployé dans de multiples productions, des motifs sont retravaillés, intégrés dans d'autres structures, au dépend de détails qui disparaissent exploités sous des formes différentes ultérieurement. L'autonomie de chaque dessin est bien relative, elle l'est essentiellement matériellement, en occupant une feuille d'un format déterminé. Mais elle s'efface par le fait que le dessin ne se laisse pas pénétrer instantanément pas le regard : le spectateur doit s'inscrire dans une temporalité pour que l'image vienne à lui et qu'il puisse en comprendre les profondeurs, les multiples subtilités, le mouvement en travail au sein de l'oeuvre qui ne surgit pas immédiatement et qui permet des extensions infinies entraînées par des références personnelles, la mémoire, ou l'imaginaire du regardeur...

La vibration entre des coups de crayons superposés, la transition très fine (dans chaque dessin pensée spécifiquement) entre le sujet et la marge blanche, les effets de surfaces qui la creusent ou qui la ferment sont autant de stratégies picturales qui permettent à Frédéric Khodja d'instaurer un mouvement de bascule ou d'instabilité jamais réconciliable entre une exploration labyrinthique de la feuille et une impression d'écran qui la ferme. C'est dans cet équilibre contradictoire que se construit la tension nécessaire au développement de la fiction.

La monstration des dessins de Frédéric Khodja est particulièrement importante car elle permet de révéler des filiations et de mieux saisir l'univers commun qui les réunit. Une forme de rhizome émerge des murs puis un vocabulaire ou un terreau propre au travail peut être mis en valeur. Les glissements, les effacements ou les résurgences de fragments emblématiques comme la ruine d'un château et de structures spatiales récurrentes telle que l'angle sont mis en scène dans l'accrochage des dessins de grand format (120 x 160 cm) organisé en grille. La cohérence de l'ensemble nommé très justement « Perspectives intérieures » est par ailleurs prolongée par une série de dessins réalisés en 2008 sur le thème d'Arachné pour une revue, composant elle-même un corpus exploité pour la définition de cinq images lithographiées en 2009 (URDLA). En contrepoint de cet ensemble cohérent qui éclaire la complexité et la richesse de la production récente de l'artiste, des travaux plus anciens procédant de découpages sur des cartes postales permettent d'asseoir la problématique de mise en fiction d'une iconographie. En évidant les images d'une fenêtre dans chaque cas de forme différente, Frédéric Khodja introduit une perturbation, un vide, que l'esprit est appelé à combler ou à réinventer. La fameuse phrase du théoricien Léon Battista Alberti (1404–1472) définissant la peinture comme « une fenêtre ouverte sur l'histoire (storia) » est ici adaptée avec des outils contemporains pour construire la fiction avec des dessins en négatif.

Les titres sont extrêmement importants dans l'approche des œuvres. Ils ne sont pas une simple indication en marge de l'objet, mais en sont des prolongements et participent à leur activation. Les mots donnent une clef, entrouvrent une faille pour rentrer dans le dessin, ou sont des repères qui l'ancrent dans un territoire précis : sur une île mobile qui pourrait sans cesse être dépliée dans un océan sans fond. Les titres contribuent également à donner le caractère poétique au dessin. Les oeuvres de Frédéric Khodja sont loin d'être des illustrations de références littéraires. Mais elles sont plutôt imprégnées d'atmosphères ou de fragments d'écrits aux valeurs iconiques qui peuvent contribuer à l'architecture du dessin. Le mot ou souvent la phrase qui accompagne les travaux peuvent donc être perçus comme des passerelles reliant le domaine du texte et celui du territoire du crayon.

Comme durant ses instants de flânerie décrits par Marcel Béalu dans L'amateur de devinettes ou l'observation du mouvement des nuages suscite des visions mouvantes de divers motifs en constante métamorphose, les oeuvres sur papier perdent le spectateur dans un réseau de traits et de lignes qui peuvent se recomposer au gré des expérimentations du dessin et de notre capacité à nous l'approprier. Telle pourrait être une définition de la poésie.