Exposition collective
Terrains de jeux
Terrains de jeux
Gaëlle Foray / Frédéric Khodja / Sylvie Sauvageon
La Maison du Terroir / Musée Marius Audin hors les murs / Beaujeu
Responsable scientifique des collections, Marie Haquet
Scénogaphie, Nicoles Franchot

Mettre en résonance les collections avec la création contemporaine, favoriser l’émergence d’un nouveau regard...
Autant de raisons pour lesquelles Gaëlle Foray, Frédéric Khodja et Sylvie Sauvageon ont été invités à dialoguer
avec les œuvres du Musée Marius Audin.
Trois artistes, trois regards, trois démarches artistiques pour une collection qui s’attache
à raconter une mémoire collective, liée à un territoire, à des objets, à des espaces vécus.

Les assemblages de Gaëlle Foray sont des récits qui explorent et interrogent nos pratiques culturelles, nos normes sociales, nos débats politiques.

Frédéric Khodja joue avec les images. Il souligne l’existence de nos représentations mentales individuelles, issues de souvenirs et d’impressions.

Sylvie Sauvageon collecte l’image du souvenir d’un instant vécu, d’une découverte, d’une rencontre, d’un objet, d’un paysage...
et en réalise une copie dans de minutieux dessins.

Expositions personnelles
Icilà
Galerie rue Antoine - 10 rue André Antoine, 75018 Paris
Chambre d'embarquement - 27 rue Véron, 75018 Paris
7 septembre / 5 octobre 2024

Tout est parti d’une archive de 1967 : un ensemble de diapositives sur la construction du périphérique parisien qui est aussi bien celui d’une destruction : celle de la Zone, bande de terre a priori inconstructible située en avant de l’enceinte de Thiers qui deviendra au XXe siècle un bidonville à ciel ouvert. A cette archive, s’en sont ajoutées d’autres : sites antiques d’Irak aujourd’hui pour la plupart détruits, photos de vacances d’une famille française dans les années 1970, couple de randonneurs à ski.
De cette matière composite, Frédéric Khodja en a tiré Icilà, une installation qui poursuit l’exploration de ses fictions géographiques en mettant en présence deux formes d’expression aux relations aussi houleuses que fécondes : d’un côté la peinture, de l’autre la photographie, ici des encres sur toile intitulées « paysages périphériques », là une succession de quatre-vingts « diaphanes », chacun créé par la juxtaposition de deux diapositives trouvées.
Ces collusions esthétiques, temporelles et géographiques ouvrent de nouvelles zones : à la galerie rue Antoine, un espace de contemplation pour les tableaux, jouant sur la capacité et le temps de l’œil à s’habituer à une vision toujours changeante, comme lorsqu’on cherche à voir à travers une vitre battue par le vent ou les essuie-glaces, oscillant entre composition et recomposition ; et à la Chambre d'embarquement, un espace de projection ouvert sur la rue et sur la chambre, inspiré des soirées diapo, où se brouillent les repères pour laisser affleurer des nappes de mémoire qui débordent le simple souvenir.
Éditions
Diaphanes édition
Galerie Rue Antoine
10 rue André Antoine, Paris, France
Contact / Sophie Renaut / sophierenaut75@gmail.com

Coffret de 12 photographies en format 13x18 cm, éditées en 11 exemplaires + 2 EA + 2 HC sur papier Fujifilm Crystal Archive DPII.
Chaque photographie est signée au dos par l’artiste, numérotée et porte le tampon des éditions Original 33.

Tout est parti d’une archive de 1967 : un ensemble de diapositives sur la construction du périphérique parisien qui est aussi bien celui d’une destruction : celle de la Zone, bande de terre a priori inconstructible située en avant de l’enceinte de Thiers qui deviendra au XXe siècle un bidonville à ciel ouvert. À cette archive, s’en sont ajoutées d’autres : sites antiques d’Irak aujourd’hui pour la plupart détruits, photos de vacances d’une famille française dans les années 1970.
te.

Prix sur demande
Exposition personnelle
Temps de collectes
Musée d'art moderne
Villa Pams, route de Port-Vendres 66 190 Collioure
Temps de collectes
Exposition personnelle
Musée d'art moderne, Collioure
26 octobre / 31 décembre 2024

Du temps et de place

Par Jean-Emmanuel Denave, 2010-2022
Du temps et de la place est le titre trouvé par Jean-Emmanuel Denave pour concaténer ses différents articles de presse écrits dans le journal hebdomadaire Le petit bulletin sur une période de douze ans ; articles consacrés à mes expositions à la galerie Françoise Besson, à la galerie Michel Descours, à la fondation Bullukian à Lyon et à l'URDLA à Villeurbanne. Les textes peuvent être brefs ou plus étendus selon les contraintes éditoriales, mais à chaque fois les mots de J.E.D viennent accompagner mes productions comme des pistes éclairantes

biographie de l'auteur.e

Jean-Emmanuel Denave est psychologue clinicien et journaliste culture.
Psychologue clinicien sur des fonctions de clinique du travail, chargé d'enseignement en psychologie clinique (TD L2).


 



2010
Œuvres ouvertes
Dans son nouveau et très beau lieu d'exposition, la galerie Françoise Besson consacre sa troisième exposition au dessinateur Frédéric Khodja. Ses œuvres, âpres au premier abord, révèlent peu à peu des espaces étranges et énigmatiques, stimulant les sens et l'imagination. 

Quoi de pire qu'une image qui cherche à tout prix à produire un effet précis sur le spectateur ? Quoi de plus asphyxiant, assommant et manipulateur qu'une œuvre d'art, une musique, un film à «effets». «Vraiment l'émancipation commence lorsque justement il y a rupture entre la cause et l'effet. C'est dans cette béance que s'inscrit l'activité du spectateur», déclare le philosophe Jacques Rancière dans un entretien. Et les dessins de Frédéric Khodja s'inscrivent, selon nous, au sein de cette béance. Il faut du coup prendre un peu de temps pour se les approprier, les peupler, les associer à nos propres préoccupations ou désirs, les «habiter» en quelque sorte. Leur relative austérité au premier abord invite aussi à cela, et risque de laisser les plus pressés indifférents... Parmi les motifs essentiels de l'artiste, il y a celui, crucial «des lieux vides ou vidés, en tout cas occupés par peu de choses. Je souhaite qu'il y ait peu d'éléments, pas d'exubérance, pas de baroque. Cela permet au regardeur de s'approprier l'image, une image en creux en quelque sorte», nous confie Frédéric Khodja. Au stylo à bille ou au crayon de couleur (avec une grande économie de moyens donc), il ouvre une scène de théâtre déserte, isole un angle de pièce, découpe une montée d'escaliers, nous plonge sans une salle de cinéma à l'écran blanc et vierge d'images... 
Du carnet au dessin
Cette dernière œuvre («Les Agrès du cinéma, 2009») nous rappelle d'ailleurs une série d'images de l'artiste japonais Hiroshi Sugimoto qui, photographiant avec un long temps de pause la projection in extenso d'un film, obtient des clichés de salles de cinéma où les spectateurs ont disparu et où l'écran est devenu paradoxalement blanc. La manière de travailler de Frédéric Khodja a quelque chose de parallèle au processus de Sugimoto. À l'accumulation de matériaux succèdent ensuite la sobriété et l'évidement. «Je ne dessine pas sur le motif. Mon travail commence plastiquement dans mes carnets où j'accumule des informations (des citations de philosophes ou d'écrivains avec une prédilection pour la littérature argentine, des images de films, des photographies, des reproductions d'oeuvres, des croquis et des esquisses...). Ce processus aboutit à une image, mais elle est devenue entre temps une fiction qui peut être interprétée par autrui comme il l'entend». Les dessins sont donc aussi un «oubli» ou un dépassement des strates qui l'ont progressivement sédimenté, nourri : Borges, Melville et beaucoup d'autres écrivains ou poètes ; le peintre danois Hammershoï ou Van Gogh ; les souvenirs d'enfance et l'intérêt toujours vivace pour l'architecture et les intérieurs clos sur eux-mêmes, les «zones qui révèlent une étrangeté»... 
Du dessin au dehors
L'expression de «zones d'étrangeté» semble particulièrement adaptée pour qualifier les dernières productions de Frédéric Khodja en grands formats (120*160 cm), présentées à la galerie Françoise Besson. L'immobilité apparente de certains dessins s'avère en réalité composée de traits de crayons de couleur vibrionnant, tels une limaille de fer affolée sur un champ électro-magnétique. La clôture s'ouvre toujours discrètement sur une échancrure, une ligne de fuite ou de lumière sur laquelle peut glisser et s'échapper le regard. Le fantomatique château d'Otrante s'esquisse sur la bande noire d'une pellicule photographique imaginaire se déployant à l'infini. L'aspect massif et imposant d'un relief masque, de loin, les images qu'il contient et, surtout, le mouvement d'effondrement sur lui-même qui le menace tel un astre se transformant en trou noir... «C'est une figure imprenable» titre Frédéric Khodja l'une de ses plus belles œuvres. Et, en effet, dans une nuit de pleine lune, la silhouette lointaine d'une île fortifiée semble à jamais «imprenable». Néanmoins, l'écume d'une petite vague paraît vouloir se déverser sur nous, nous «tendre la main». Les dessins de Frédéric Khodja invitent ainsi à quelque paradoxe, énigme, délire graphique, topologie déréglée, événement improbable... Et ne cessent d'ouvrir à d'autres idées, d'autres images, des rêveries...



2013
Le Dessin en couleurs, Galerie Michel Descours, Lyon
Seul artiste contemporain exposé dans la belle exposition "Le Dessin en couleurs", parmi des œuvres d’artistes illustres (Le Douanier Rousseau, Roberto Matta, Oskar Bergman, Jean Tinguely, Pierre Tal-Coat…), Frédéric Khodja se livre ici au difficile exercice du commentaire (détaillé) de sa propre création intitulée "Zorzi".«Zorzi est un dessin aux crayons de couleur, dessin dessiné sur vélin de Rives au printemps 2011, dessin dessiné également, dès ses débuts et à la toute fin de sa construction, avec de petites gommes blanches taillées comme des silex. La feuille épaisse mesure un mètre soixante par un mètre vingt, l'image est installée au centre du papier et mesure cent deux centimètres par soixante treize centimètres. Les plans colorés sont distincts et fondus, les passages des verts, des bruns, des gris et des bleus sont visibles et mêlés. Un événement amplifie la composition du récit interne de ce paysage doté d'arbres, de rochers et d'un ciel : un volume crayeux dans la partie droite, en suspension quasiment au premier plan, élément percé d'un oculus le faisant masque et ossement tout à la fois. 
L'événement se répercute de l'autre côté du dessin avec la présence d'une cascade gelée qui modifie l'arbre en surplomb : trois masses de stalactites se forment entre les branches. Zorzi est un montage atmosphérique. Si je reprends le carnet sur lequel j'ai tracé les prémisses du dessin, je lis : "Un jour de tempête et la rencontre des ossements d'un paysage". Je retrouve mon esquisse au stylo-bille d'avril 2011, à gauche la cascade et les stalactites sont imaginées en vert et recouvrent un second petit os troué dans le plan médian, fragment qui semble s'être décroché de la forme. Ce petit os est maintenant dans l'invisibilité. Ce dessin comme les autres est une fiction. Le résultat stratifié d'obsessions visuelles et de documents mémorisés, de gisements (au cours de  l'hiver 2011, je replongeais dans les peintures de Giorgione et celle d'Ensor). Considérons le dessin comme une table tournante !».

2014
A ciel ouvert
Frédéric Khodja expose à la galerie Besson des dessins et des collages récents, traçant des topographies imaginaires à la fois étranges et inquiétantes

Au milieu de l'accrochage de ses dessins, Frédéric Khodja nous dit espérer «que ces images tissent entre elles, pour le regardeur, une sorte de langage commun». Jetant un coup d'oeil rapide et circulaire, nous remarquons la présence, la récurrence, d'une œuvre à l'autre, de "trous". Trous oculaires dans les masques ou les visages, cercles géométriques "creusés" dans des rochers se faisant face, trous dans le sol de certains espaces... On pourrait presque s'imaginer passer d'un dessin à l'autre par ces ouvertures, ou y plonger telle Alice dans un terrier ouvrant à une logique incongrue, à une dimension irrationnelle. Mais peut-être que, plus précisément, ces vides se posent ici comme autant de "sites de l'étranger", de lieux d'accueil du manque, de l'absence, de la perte. Si langage il y a, si les images "parlent" d'une certaine façon, c'est pour nous inviter à les ouvrir, à les approfondir de nos propres failles, angoisses et représentations intempestives. Une idée très proche de la thèse du critique d'art Georges Didi-Huberman qui, dans Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, attribue à l'image «le pouvoir d'imposer sa visualité comme une ouverture, une perte – fût-elle momentanée – pratiquée dans l'espace de notre certitude visible à son égard. Et c'est bien de là que l'image se rend capable de nous regarder».
Inquiéter le regard
Dans ses Géométries fictions (des collages qui accompagnent de longue date son travail de dessinateur), Frédéric Khodja évide des architectures, en isole certains éléments, expérimente des transformations, rend fantomatiques des maisons sans âge. «Ces images deviennent pour moi des documents et permettent de réaliser d'autres images» confie l'artiste. Ses images naissent effectivement de bien d'autres (créées ou pré-existantes), mais aussi de citations d'écrivains, de notes diverses, pour devenir peu à peu des «zones d'étrangeté». Depuis peu, Frédéric Khodja utilise des papiers préparés «comme des parois colorées, une peau» pour y inscrire ses paysages bizarres et un peu inquiétants. Inquiétant les certitudes, la géométrie euclidienne, une histoire de l'œil qui ne serait pas passée sous la plume d'un Georges Bataille (écrivain dont l'ombre est très présente dans cette exposition). Et si toute paroi a ses cavités et toute peau ses pores qui la font respirer, les images de l'artiste ont leurs passages qui aspirent le regard, l'invitant à se retourner sur ses points aveugles ou à la projection imaginaire. Frédéric Khodja a intitulé son exposition Le ciel est si peint que je ne le regarde pas. Ce ciel (qui, tour à tour peut être vide ou traversé de nuées d'images), lui, nous regarde bel et bien. 




2016
K., le procès des images

Plutôt que de s'en méfier, Frédéric Khodja nous invite à faire confiance aux images, et se lance à l'URDLA sur leur(s) piste(s), explorant leurs métamorphoses, leurs devenirs, leurs présences énigmatiques.
À Villeurbanne, au fronton de la porte d'entrée d'une maison, sont gravés les mots : « Mon rêve ». Est-ce le rêve de l'architecte, celui du propriétaire ? Le rêve est-il la maison ou est-il contenu entre ses murs ? Ou bien, hypothèse plus incongrue, est-ce là simplement un tag ancestral, le rêve se réduisant alors à l'inscription elle-même, à la gravure qui évide la pierre ? Si le rêve est puissance créatrice d'images, il peut ainsi se décliner en contenant (l'écran du rêve) et en contenu (les images du rêve qui s'y projettent), en recto (voir) et en verso (être vu), en plein et en creux, en présence et en absence...
Toutes interrogations qui traversent et irriguent l'exposition de Frédéric Khodja à l'URDLA, réunissant des estampes, des dessins, des volumes, des croquis... On y retrouve aussi la présence forte de l'architecture, motif quasi-obcessionnel chez l'artiste. Il y est question par exemple de la Villa Malaparte (où Godard tourna Le Mépris en 1963), de fenêtre (celle notamment à travers laquelle Niepce prit la première photographie), de sols, de toit flottant au-dessus du vide... L'artiste présente même une maquette de ville entière, sa "Ville du flâneur" : un ensemble de papiers de couleur pliés en différents volumes et disposés sur une table. Cette "ville" rend hommage aux flâneries de Baudelaire, aux passages de Walter Benjamin et aux dérives de Guy Debord. Et l'ensemble de l'exposition nous invite à errer parmi les images, à suivre différentes lignes qui les relient entre elles : lignes formelles, lignes de couleurs, lignes d'Histoire (Godard, Dürer, Niepce...), lignes de fuite avec des réserves, des "trous", des espaces énigmatiques...
L'antre
La petite maquette de maison, recouverte de peinture blanche, qui ouvre l'exposition contient peut-être les nombreuses images que Frédéric Khodja déploie ensuite sur les cimaises de l'URDLA : des souvenirs de paysages transposés au feutre sur papier, des croquis à l'aquarelle issus d'un carnet, des photocopies d'images d'archive, des dessins épurés et géométriques reprenant certains aspects de la "Ville du flâneur".
En résonance avec son travail, l'artiste lyonnais confie à l'anthropologue Denis Cerlet : « J'ai découvert ce film Paper House de Bernard Rose. Voilà ce qui se passe. Une petite fille malade qui dessine pour s'occuper et qui, quand elle s'endort, se retrouve dans son dessin. Elle dessine une maison et elle se retrouve dans la maison qui s'est matérialisée, qui s'est dimensionnée exactement comme elle l'a dessinée. Une fenêtre de guingois et la fenêtre est de guingois dans le rêve. Elle rencontre un petit garçon dans le rêve. Elle s'aperçoit qu'elle ne peut pas se rapprocher physiquement de lui parce qu'elle n'a pas dessiné de porte. Donc le lendemain, elle dessine une porte. La nuit d'après, la porte est là et elle entre dans la maison, etc. »
Ce trajet enveloppant le réel et l'imaginaire se condense habituellement en une seule représentation chez l'artiste. Dans la même œuvre, l'intérieur et l'extérieur s'inversent, le dehors est aussi dedans, la topologie et l'espace s'affolent, les limites entre le réel et la fiction se brouillent. À l'URDLA, ce trajet s'effectue plutôt d'image en image, il est fragmenté, faisant de l'ensemble de l'exposition une sorte d'image à la fois unique et éclatée.
L'entre
Ce travail de mise en abyme du visuel peut faire penser, entre mille autres références, au film Mulholland Drive de David Lynch. Frédéric Khodja ne cesse de basculer d'un plan à un autre, du recto au verso, d'images d'une certaine "espèce" à d'autres images, d'un dispositif ou d'un médium à d'autres... La maison du départ est comme l'équivalent de la petite boîte bleue de David Lynch : vous tournez la clef et vous vous réveillez alors dans la réalité, à moins que ce soit le contraire : vous quittez la réalité pour l'espace du rêve.
Les images se dérobent, se métamorphosent, se déplacent, mais il faut leur faire "confiance" indique Frédéric Khodja au fronton de son exposition intitulée : Histoires de faire confiance aux images. Ce pourrait être, par exemple, des histoires que l'on raconte aux enfants qui les poursuivent en rêves, en images, avant, bientôt, de dessiner ou de bâtir des maisons. Maisons où, à d'autres enfants, on racontera...

Cinq films connectés à cette exposition
Le Mépris de Jean-Luc Godard (1963) : Frédéric Khodja en extrait notamment l'escalier de la villa Malaparte pour composer une estampe. Et le titre de son exposition n'est pas sans évoquer les Histoire(s) du cinéma du même Godard
Zardoz de John Boorman (1974) : on retrouvera dans l'exposition et le petit livret qui l'accompagne (Ça presse) le motif du grand masque de pierre du film
D'Ailleurs, Derrida de Safaa Fathy (2000) : film qui met en images et en liens la pensée de Jacques Derrida avec les lieux où il a vécu (Algérie, États-Unis...), qui a inspiré certaines œuvres de Frédéric Khodja. Le film sera projeté au Cinéma Le Zola à Villeurbanne le jeudi 16 juin à 18h45
Paperhouse de Bernard Rose (1989) : film cité par Frédéric Khodja comme proche de son univers artistique
Mulholand Drive de David Lynch (2001) : parmi la ribambelle d'interprétations possibles du film, on peut notamment le considérer comme un rêve (dans sa première partie) et un retour à la réalité (dans la seconde). Le film est un quasi remake de Persona de Bergman (1966)

2017
Aujourd'hui, tout est "tracé" : produits, patients, sujets, actes professionnels et privés... Faut-il en être réellement rassurés ou s'en alarmer ? Cette conception de la trace, cette tra(n)sparence objective est à mille lieux de celle d'un artiste comme Frédéric Khodja.

La trace ou le vestige visuel devient chez lui un fragment à partir duquel créer, inventer, dessiner... Ses œuvres se veulent les rémanences, mi-réelles mi-fictives, de paysages vécus, d'images rencontrées, d'architectures rêvées, de fantômes de sensations.
À la galerie Françoise Besson, il présente pour l'essentiel trois nouvelles séries de dessins dont les titres parlent d'eux-mêmes : Paysages mentaux, Architectures fantômes et Rêve d'exposition... Dans ce dernier ensemble, l'artiste semble comme déplier l'espace et les objets énigmatiques (encadrements vides, rideaux, panneaux...) d'un petit studio de peinture ou de photographie : rémanences et circulations visuelles centrées ici surtout sur le cadre, le voilé-dévoilé, l'espace et le dispositif de vision.
Quoi de pire qu'une image qui cherche à tout prix à produire un effet précis sur le spectateur ? Quoi de plus asphyxiant, assommant et manipulateur qu'une œuvre d'art, une musique, un film à «effets». «Vraiment l'émancipation commence lorsque justement il y a rupture entre la cause et l'effet. C'est dans cette béance que s'inscrit l'activité du spectateur», déclare le philosophe Jacques Rancière dans un entretien. Et les dessins de Frédéric Khodja s'inscrivent, selon nous, au sein de cette béance. Il faut du coup prendre un peu de temps pour se les approprier, les peupler, les associer à nos propres préoccupations ou désirs, les «habiter» en quelque sorte. Leur relative austérité au premier abord invite aussi à cela, et risque de laisser les plus pressés indifférents... Parmi les motifs essentiels de l'artiste, il y a celui, crucial «des lieux vides ou vidés, en tout cas occupés par peu de choses. Je souhaite qu'il y ait peu d'éléments, pas d'exubérance, pas de baroque. Cela permet au regardeur de s'approprier l'image, une image en creux en quelque sorte», nous confie Frédéric Khodja. Au stylo à bille ou au crayon de couleur (avec une grande économie de moyens donc), il ouvre une scène de théâtre déserte, isole un angle de pièce, découpe une montée d'escaliers, nous plonge sans une salle de cinéma à l'écran blanc et vierge d'images... 

2019
Je ne crois pas aux paysages
« Je ne crois pas aux paysages. Parfaitement. » écrit, en refusant de se justifier, le poète Fernando Pessoa. Sans se justifier beaucoup plus, la Galerie Michel Descours a invité trois artistes contemporains sous l'égide de cet athéisme paysager. C'est curieux pour Marc Desgrandchamps qui ne fait, depuis bien des années, quasiment que cela : peindre des paysages ! Mais ça l'est moins lorsqu'on découvre concrètement ses toiles qui ne cessent de faire dégouliner les perspectives, trembler les lignes d'horizon et les motifs, rendre aussi fantomatique que vaporeuse toute réalité, qu'elle relève de dame nature ou de ses excroissances humaines.
C'est aussi assez curieux pour Frédéric Khodja qui dessine, surtout, des architectures imaginaires et des espaces improbables, en ouvrant des fenêtres quasi "paysagères" ou (plutôt) cinématographiques sur le monde. L'artiste se révèle être aussi, par la bande, un post-romantique : certes moins versé vers le rendu paysager scrupuleux de l'École de Fontainebleau, que traversé par des rémanences d'odeurs, de sensations, de ruines, d'atmosphères, de hasards de paysages. Il ne croit pas plus aux paysages qu'en dieux, mythes, prodigalité de la nature ou en la perfection de l'image... Mais il constate (crayons et craies en main), s'appuie, et nous avec lui, sur leurs forces plastiques.




2022
Surfaces et attrapes

Connu depuis le début des années 2000 pour ses dessins, Frédéric Khodja opère quant à lui un discret retour à la peinture à l'huile à travers deux séries de petits formats : Notes d'altitude et Passages qui se font face à l'entrée de la Fondation Bullukian La première, réalisée dans les montagnes italiennes, est une séduisante rêverie et une suite d'expérimentations plastiques autour de l'idée de littoral, de rivage. La seconde explore à la fois l'idée de seuil et l'idée d'épuisement d'un même espace et d'une même palette (de rose et de bleu). La notion de seuil renvoie à l'ensemble du travail de Frédéric Khodja où l'on ne sait jamais vraiment où l'on se situe, où l'on bascule sans crier gare d'intérieurs en extérieurs, de surfaces en surfaces…

Plus loin, dans de grands dessins, l'artiste nous plonge à nouveau parmi des horizons désertiques, sur des îles, ou en bordure de mer. Avec, ici et là, de drôles de motifs géométriques (rectangles, panneaux simplifiés…) que Frédéric Khodja aime à qualifier d'écrans. « Chaque dessin pourrait être une sorte de plan séquence ou de plateau de cinéma déserté après le tournage » confie-t-il. Derrière leur aspect immédiatement séduisant, ces dessins relèvent du paysage mental, d'une mise en scène qui joue de trompe-l'œil, de faux horizons, d'images dans l'image… On se croit enveloppé dans un « sentiment océanique » et soudain, le décor glisse, le motif échappe, l'incongru surgit et invite à une toute autre fiction ou direction. Entre l'heur et leurre, tout peut basculer.