Édition
Past Time Paradise / Jacques Sicard & Frédéric Khodja / éditions Les murmurations* Paris / Mars 2025
Textes de Jacques Sicard, encres de Frédéric Khodja
Editions Les Murmurations, Paris
Direction éditoriale et artistique Camille Boisaubert

Septembre 2021
D'un point de vue général, je voulais rappeler ici mon intérêt pour les textes de Jacques Sicard, lus ici et là, et notamment sa chronique tenue avec fermeté sensible, un temps, sur Facebook. Lui écrire par la messagerie Messenger pour "voir si" il accepterait d'écrire sur mon travail ; une réponse aimable qui m'indiquait son intérêt mais ne voyant quoi écrire. La période étrange du confinement avait développé des modalités relationnelles inédites : je décidais d'entreprendre un ensemble de figures d'encres  qui somme toute sont des autoportraits traités comme des personnages fétiches égarés et raccordés par les titres. Lors de la publication de la première encre sur Facebook, devenu dans cet espace temps particulier, un véritable comptoir avec ses habitués, JS lança un texte en face de la première image. "C'est ainsi que cela s'est passé et que ça a commencé", dirait l'autre
 le titre de notre livre vient de ce magnifique titre de chanson de Stevie Wonder, titre proustien et morceau éminemment d'actualité, il me semble.
FK 2025
Exposition collective
Le goût du bleu
Le Cloître Art Contemporain, Lyon
8 novembre / 29 novembre 2025
Exposition personnelle
Past Time Paradise
Galerie Rue Antoine, Paris
Exposition des encres du livre et discussion avec Camille Boisaubert, éditrice de la maison d'édition les murmurations*

Se projeter dans le dessin / Progettarsi nel disegno

Par Gwilherm Perthuis, 2010
Publication Bilingue in Zeta / Rivista internazionale di poesia e ricerche, Pasian di Prato

biographie de l'auteur.e

Gwilherm Perthuis est éditeur, rédacteur en chef de la revue et et du journal critique Hippocampe, commissaire d'exposition, critique d'art, historien de l'art.
Dans L’invention de Morel d’Adolfo Bioy Casares le narrateur est isolé sur une île qu’il croit déserte. Il doit choisir entre l’emprisonnement dans le réel et l’illusion d’une existence holographique produite par une machine fantastique. Le territoire graphique de l’artiste français Frédéric Khodja (1964) relève d’une forme d’insularité : morceau de terre sur lequel se rencontrent et se superposent des documents, des photographies, des gravures, des fragments d’œuvres littéraires ou cinématographiques. La pratique du dessin construit des projections imaginaires et des fictions illusionnistes à partir des ces matériaux présents physiquement sur la table de travail ou surgissant de la mémoire (système dynamique qui entremêle les sources). Le dessin fait revenir des fantômes iconographiques et provoque la survivance de certaines formes particulièrement importantes dans le catalogue mnésique de Frédéric Khodja.

Pour l’œuvre récente intitulée Ferrania, il s’est intéressé à une construction architecturale inaccessible, à un lieu de fiction surplombant une pointe rocheuse donnant sur la Méditerranée : la villa de l’écrivain italien Curzio Malaparte (1898 – 1957).
L’auteur de La Peau avait confié la conception architecturale de ce parallélépipède rouge à Adalberto Libera. « Faites-moi une maison comme moi !» lui aurait-il simplement ordonné... Frédéric Khodja choisit de travailler sur le verso d’une carte postale sur laquelle est dessinée très schématiquement le volume de la maison en cours d’élévation. Une première pensée de la globalité de l’espace resserrée dans un tracé synthétique, hésitant et maladroit. Cette esquisse touchante témoigne d’une tentative de projection mentale de ce qui pourrait caractériser cette maison extraordinaire. L’artiste s’approprie le document en dessinant l’intégralité des éléments qui le composent sur une feuille de grand format (le changement d’échelle est important). Il délimite dans la feuille les bords de la carte postale traitée en grisaille, indique le nom de l’éditeur, place les points destinés à préciser l’expéditeur et tente de représenter le plus fidèlement possible le croquis original en conservant la fébrilité du trait et la maladresse. Le dessin est une sorte d’empreinte largement agrandie du document original qui permet de mettre en question son efficacité et son degré d’attachement à une pensée. Après l’abandon, puis l’oubli progressif de la villa Malaparte (après sa mort en 1957), la notation graphique prend d’autant plus d’importante dans la création d’une mythologie. Ferrania réactive le lien entre un geste et une pensée. Le geste donne des indications sur la manière très particulière dont l’objet architectural a été à été perçu à un moment particulier et dévoile une compréhension subjective de l’édifice à venir. L’œuvre est un écran auquel nous sommes invités à nous confronter pour réinventer mentalement ce qu’aurait pu être cette villa sans tenir compte de ce qu’elle fût. Ici réside la force et la spécificité du dessin, médium susceptible de réveiller des connexions endormies et de réactiver des fils fictionnels distendus.