Se projeter dans le dessin / Progettarsi nel disegno
biographie de l'auteur.e
Pour l’œuvre récente intitulée Ferrania, il s’est intéressé à une construction architecturale inaccessible, à un lieu de fiction surplombant une pointe rocheuse donnant sur la Méditerranée : la villa de l’écrivain italien Curzio Malaparte (1898 – 1957).
L’auteur de La Peau avait confié la conception architecturale de ce parallélépipède rouge à Adalberto Libera. « Faites-moi une maison comme moi !» lui aurait-il simplement ordonné... Frédéric Khodja choisit de travailler sur le verso d’une carte postale sur laquelle est dessinée très schématiquement le volume de la maison en cours d’élévation. Une première pensée de la globalité de l’espace resserrée dans un tracé synthétique, hésitant et maladroit. Cette esquisse touchante témoigne d’une tentative de projection mentale de ce qui pourrait caractériser cette maison extraordinaire. L’artiste s’approprie le document en dessinant l’intégralité des éléments qui le composent sur une feuille de grand format (le changement d’échelle est important). Il délimite dans la feuille les bords de la carte postale traitée en grisaille, indique le nom de l’éditeur, place les points destinés à préciser l’expéditeur et tente de représenter le plus fidèlement possible le croquis original en conservant la fébrilité du trait et la maladresse. Le dessin est une sorte d’empreinte largement agrandie du document original qui permet de mettre en question son efficacité et son degré d’attachement à une pensée. Après l’abandon, puis l’oubli progressif de la villa Malaparte (après sa mort en 1957), la notation graphique prend d’autant plus d’importante dans la création d’une mythologie. Ferrania réactive le lien entre un geste et une pensée. Le geste donne des indications sur la manière très particulière dont l’objet architectural a été à été perçu à un moment particulier et dévoile une compréhension subjective de l’édifice à venir. L’œuvre est un écran auquel nous sommes invités à nous confronter pour réinventer mentalement ce qu’aurait pu être cette villa sans tenir compte de ce qu’elle fût. Ici réside la force et la spécificité du dessin, médium susceptible de réveiller des connexions endormies et de réactiver des fils fictionnels distendus.